Le
damas ? / Qu'est ce que le damas ? / Propriétés
mécaniques / Caractéristiques
Traduction
française du texte :
Characterization
of Modern Fabricated Pattern Welded Damascus Steels by Russian
Masters
S.
Fedosov
(fedosov@sstu.samara.ru)
Samara State Technical University
(Galaktionovskaya 141, Samara 443010 Russia)
Texte original en anglais :
"Mechanical
Properties of Modern Fabricated Welded Damascus Steels"
Mise
à jour 3 mars 2001
Caractéristiques
mécaniques des aciers damas modernes fabriqués par
les maître-forgerons Russes.
Résumé
Le
travail de deux des meilleurs coutelier-forgerons russes sur l'acier
corroyé, acier damas, a été analysé.
L'énergie nécessaire à la fracture, l'angle
de rupture (test de Charpy)ainsi que les duretés ont été
mesurés. Les valeurs des tests de tension sont publiées.
Des analyses de fracture, les métallographies, les analyses
au moyen des rayons X et les analyses spectrales ont été
conduites. Un dilatomètre a été utilisé
pour vérifier les positions des points polymorphiques.
Cet ensemble a démontré que les propriétés
mécaniques du damas sont équivalentes à celles
des aciers à outil et des aciers faiblement alliés.
Mots
clés : acier damas, propriétés mécaniques,
résistance.
Introduction
Il
y a deux sortes d'acier damas, l'authentique, le damas de fusion
aussi appelé "wootz" et le damas de corroyage aussi appelé
damas mécanique ou damas soudé (nous ne traiterons
pas des faux damas ou des imitations). En Russie le premier est
appelé Bulat (du perse Pulad), tandis que le second est
appelé simplement acier damas.
La
plupart des chercheurs ont été occupé par
le Bulat. Au milieu du siècle dernier le métallurgiste
A. P. Anosov a restauré la technologie de production des
lames en Bulat [1], cette production a été persistante
à l'usine d'armement de Zlatoust jusqu'à la fin
de 1919. Les scientifiques N. I. Belaiew et N. T. Belaiew publièrent
leurs recherches approfondies au début du siècle
[2]. De nos jours, les coutelier-forgerons V. I. Basov (USSR)
et A. H. Pendray (USA) ont été les premiers à
re-fabriquer des lames en Bulat. J. D. Verhoeven avec ses collègues
a établi les fondements de la théorie du damas Wootz
[3].
Actuellement
le damas de corroyage est fabriqué dans de bien plus grandes
quantités que le damas Wootz. Cependant du point de vue
scientifique le damas de corroyage est toujours resté dans
l'ombre du damas Wootz. Il existe plusieurs publications anciennes
sur le damas Wootz [4] ainsi que de plus récentes [5].
Les propriétés mécaniques du damas de corroyage
sont moins connues.
Depuis
longtemps, les canons des fusils de chasse étaient fabriqués
avec du damas de corroyage à Tula (Russie). Ces canons,
très chers n'avaient pas d'avantages mécaniques
en terme de solidité sur l'acier standard. Ils avaient
une forte tendance à retenir dans leur structure les résidus
de poudre. C'est ce qui a conduit a stopper cette fabrication,
il est dommage que l'on n'ait pas pu récupérer les
résultats des tests faits sur ces aciers.
L'objet
du travail présenté ici est de déterminer
les propriétés mécaniques de l'acier damas
de corroyage fabriqué par les meilleurs coutelier-forgerons
Russes.
Expérimentation
Les
échantillons viennent du travail de V. D. Koptev (Tula,
Russie) et de celui du "patriarche" des coutelier-forgerons V.
I. Basov (Suzdal', Russie). Les échantillons de Basov avaient
reçu un traitement thermique complet (trempe et revenu),
ceux de Koptev avaient été seulement trempés
(pas de revenu).
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Ci-dessus
échantillon de V. D. Koptev |
Ci-dessus échantillon de V. I. Basov. |
Les
échantillons furent coupés pour avoir leur axe orienté
comme celui des lames. Il n'y a pas de lames de 10 mm d'épaisseur
aussi pour les tests d'impact nous avons utilisé des échantillons
avec une entaille en U (55 x 10 x 5 mm) (référence
N 3 du standard Russe GOST 9454-78). Nous avons déterminé
l'énergie absorbée et l'angle de courbure du test
de Charpy. Nous avons utilisé un échantillon témoin
d'acier composé de 1 % de carbone et de 1,5 % de chrome.
Les
échantillons ont subi un revenu à 400 ° pendant
2 heures. Cette température est supérieure à
la température habituellement utilisée par les couteliers
pour faire revenir leurs lames (330 à 350°). Cette opération
a été réalisée pour simplifier les
comparaisons avec les données de référence.
Les revenus au environ de 300° restant dans la zone de la martensite
"cassante".
Les
échantillons de Koptev reçurent des revenus en séquence
à 150, 250, 400° C ; Ceci nous a permis de déterminer
l'effet des températures de revenu sur la dureté.
Les charges appliquées pour le test de dureté étaient
de 1 et 10 N.
La
composition chimique des échantillons a été
mesurée par spectroscopie optique. Compte tenu de l'hétérogénéité
et de la texture du damas nous avons quelques restrictions sur
la qualité des résultats obtenus par l'analyse des
phases de diffraction aux rayons X. Ces analyses furent réalisées
après un polissage électrolytique et une gravure
avec la solution suivante : 65%H3PO4, 15%H2SO4,
4.5%CrO3, 0.5%FeCl3, 15%H2O.
La gravure au Nital a aussi été employée.
Pour
les tests de tension nous avons utilisé des échantillons
avec des sections utiles de 3.6x5.8x26 mm ("court") et de 2.65x3.65x74
mm ("long"). Pour les échantillons "long", l'allongement
a été mesuré à partir d'une longueur
initiale de 35 mm. Le premier échantillon avait été
préparé à partir du damas de Basov, le second
à partir de celui de Koptev.
Après
facture, un morceau du second échantillon avait encore
une longueur suffisante pour être testé une seconde
fois après un nouveau revenu. La vitesse d'étirement
était respectivement de 2 mm/min, 10 mm/min et 1 mm/min.
Les forces de tension, l'allongement et la réduction de
section ont été mesurés avec des méthodes
standards. De la même manière la moyenne de tension
vraie eu = ln ( lu / l0 ), en
dehors de la zone de striction avait été mesurée.
Il
est reconnu qu'une très importante déformation plastique
peut abaisser les points polymorphiques. Ainsi l'assertion de
Basov, qui pense que l'acier damas peut être trempé
à des températures plus basses que celles habituellement
utilisées, serait vérifiée. Nous avons utilisé
la dilatométrie pour contrôler cette hypothèse.
L'échantillon utilisé a été préparé
à partir de l'acier damas de Basov. La vitesse de chauffe
dans le dilatomètre était de 60 °C/min. Une vitesse
aussi importante était nécessaire pour éviter
un recuit de dislocation.
Résultats
et discussion
Composition
chimique
A
coté du fer et du carbone, le damas de Koptev contient
environ 0.25% Mn. Le damas de Basov contient 0.5% Mn et 0.3% Cr.
Ces damas ont une composition chimique équivalente à
celle des aciers au carbone classiques.
Analyse
de phases
Avant
revenu l'acier damas est en phase double a et g. la phase g disparaît
après un revenu à 400° C. Les aciers au carbone
réagissent de la même façon, la décomposition
complète de l'austénite retenue ayant lieu au environ
de 300°C.
Test
au dilatomètre
Nous
n'avons pas détecté de glissement du point Ac1
pour l'acier damas comparé à des aciers à
faible teneur en carbone. Dans les deux cas la transformation
commence à 750°c, ce qui est normal avec les vitesses de
chauffe que nous avons utilisées. La température
du point Ac3 n'a pas été détectée
en raison de cette haute vitesse de chauffe et de l'hétérogénéité
de l'acier damas.
Il
faut noter que nous avons analysé des échantillons
après trempe et un revenu à 400°C. Ces traitements
peuvent abolir les effets dus aux déformations plastiques.
Malheureusement nous n'avons pas eu accès à des
échantillons de damas qui venaient d'être forgés
Macrostructure
Une
section transversale du damas de Koptev montre environ 300 couches.
C'est ce que l'on considère aujourd'hui comme l'optimum.
Le damas de Basov a plusieurs centaines de couches. En privé
Basov parle de beaucoup plus que cela mais rien n'a pu être
confirmé. L'épaisseur des couches est beaucoup plus
régulière dans le damas de Koptev que dans celui
de Basov.
Dans
le damas de Basov il y a de large (jusqu'à 1 cm2)
surfaces sombres (dorées après gravure électrolytique)
avec des zones de grande dureté. Ces zones étaient
espacées par des surfaces avec une faible dureté.
Les
damas de Koptev et Basov présentent des morphologies différentes
: le premier est constitué de couches entremêlées
de différentes duretés alors que le second est constitué
de zones dures disposées dans une matrice faite de couches
entremêlées de faible dureté.
Propriétés
mécaniques
Dureté
De
grandes variations de dureté ont été observées
dans l'acier damas, y compris dans une même couche. Cela
paraît normal. La dureté en fonction de la température
de revenu est présentée figure 1 ci-après.
Comme on peut le voir, il n'y pas de différences appréciables
entre un acier à 1% de carbone et une couche dure de l'acier
damas de Koptev. Le comportement des couches "tendres" ressemble
plus à celui de l'acier à 0.35% de carbone qu'à
celui du fer qui est habituellement utilisé pour fabriquer
l'acier damas. De manière évidente ceci est du à
la diffusion du carbone durant la fabrication du damas.
La
dureté des zones dans le damas de Basov est très
variable ; dans les couches de faible dureté il y a des
zones de haute dureté (jusqu'à 6.3 Gpa après
revenu à 400°C). C'est beaucoup plus que la dureté
des aciers conventionnels après un revenu de cette nature.
La spectrométrie optique confirme l'absence d'autres éléments
alliés dans ces zones. Il se peut que cela soit la conséquence
d'un durcissement lors du forgeage des couches. Les causes de
ce phénomène n'ont pu être étudiées
dans le détail
Test
de Charpy
Les
résultats du test de Charpy ont été résumés
dans le tableau 1. Dans le même tableau sont données
les duretés typiques des échantillons. Pour référence,
dans le tableau 2 les valeurs standard correspondantes sont données
ainsi que celles des aciers modernes que l'on rencontre actuellement.
La dureté des aciers damas étudiés est très
proche de celle des aciers à outil ou des aciers faiblement
alliés.
(1)
valeur haute / valeur basse
(2) (HRc) obtenu par conversion de HV;
(3) des zones à HV 6.3 GPA;
(4) standard déviation.
*
- cet acier et quelques-unes de ses variétés alliées
ont été utilisés dans le passé pour
la production de masse de toutes sortes d'armes blanches (sabres,
dagues etc.).
Test
de traction
Les
résultats des tests de traction sont résumés
dans le tableau 3. Le "petit" échantillon (N° 1) a cassé
près du point d'accroche et des arrachements étaient
visibles à la fracture. En conséquence et particulièrement
pour le % de R.A. les résultats ne peuvent être considérés
comme fiable. Malheureusement, les tests n'ont pas pu être
recommencés par manque de matière.
Il
peut sembler en examinant ces résultats que l'acier damas
est quelque peu inférieur à l'acier au carbone à
0.70 % lorsqu'il a subit un revenu équivalent. La résistance
à la traction de l'acier damas corroyé est inférieure
à celle du wootz [4] ( 1100 ± 50 MPa). La dureté
du wootz étant inférieure [4] ( Ra = 62 - HRc 23),
les propriétés de coupe du wootz [6] sont liées
sans doute à la présence des carbures.
Fractographie
Les
surfaces de fracture ont une configuration en marche d'escalier,
après le test de Charpy des arrachements de 0.7 mm ont
pu être constatés. Cette configuration d'après
les spécialistes est typique des aciers corroyés
et indique un manque de qualité au niveau des soudures
entre les couches.
Le
damas de Koptev au niveau de la fracture a un aspect cristallin,
le damas de Basov a une apparence plus cassante. Quoiqu'il en
soit les différences ne sont pas très importantes.
Conclusion
Les
échantillons d'acier damas corroyé que nous avons
testés ont des propriétés qui ne dépassent
pas celles des les aciers modernes à haute teneur en carbone
ou les aciers faiblement alliés. Les aciers damas ont des
qualités très inférieures à celles
des "super" aciers modernes.
Références
- -
Anosof. Memoire sur l'acier damasse.-"Annuaire du Journal des
mines de Russie". Année 1841. S-Petersbourg. 1844.
-
Anosoff. Ueber Damascenerstahl.-"Politechnisches Journal", Bd
93, Stuttgart, 1844, S. 58-62.
- N.
Belaiew. Damascene steel. J Iron Steel Inst. 97: 417-439 (1918).
- J.
D. Verhoeven, A. H. Pendray and E. D. Gibson. Wootz Damascus
Steel Blades. Materials characterization, 1996, v. 37, p. 9-22.
- D.
T. Peterson, H. H. Baker and J. D. Verhoeven. Damascus Steel,
Characterization of One Damascus Steel Sword // Materials Characterization,
1990, v. 24, p. 355-374.
- V.
R Nazarenko, V. F Yankovskii, M. A Dolginskaya, P. M. Yakovenko.
Damascus Steel - Myths and Reality // Metal science and heat
treatment (English Translation of Metallovedenie i Termicheskaya
Obrabotka Metallov). 1992, v. 34, n. 6, p. 402-410.
- J.
D. Verhoeven, A. Pendray, W. E. Dauksch. Wootz vs. conventional
steels: the silk scarf test // Blade, 1995, March, p. 60-63.
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